Connaissez-vous l’expression “avoir un agenda de ministre” ? Cela évoque plutôt la saturation et les tractations en coulisses pour y trouver encore et toujours créneaux et interstices.

Extrait du film Il divo, de Giulio Andreotti

Les agendas de ministres, sont en partie publics et activement diffusés par les services de presse des ministères, à destination des différentes administrations et de la presse notamment. Ils relèvent d’un devoir de transparence quant à l’action gouvernementale, constituent des données d’intérêt public issues d’acteurs publics et se doivent d’être accessibles et ouverts…ce qui est loin d’être le cas. Petit passage en revue des pratiques des ministères français actuels (avril 2018).

Des agendas en texte sur les sites officiels

cf. http://sports.gouv.fr/agenda-flessel/
cf. https://www.interieur.gouv.fr/La-ministre-aupres/Agenda-de-la-ministre-aupres/Agenda-du-30-octobre-au-5-novembre-2017
cf. http://www.presse.justice.gouv.fr/garde-des-sceaux-communiques-discours-agenda-10227/agenda-11650/semaine-du-22-avril-2018-31506.html avec un message anglophone à propos des cookies.
http://www.gouvernement.fr/partage/10137-agenda-previsionnel-du-premier-ministre-du-lundi-23-avril-au-vendredi-27-avril-2018

Sur ce dernier agenda, vous remarquerez que l’agenda prévisionnel est dans l’espace presse, et non dans l’agenda. L’information événementielle est éparpillée, non pas en fonction de son type, mais de son niveau de fiabilité. Vous remarquerez également que l’agenda est téléchargeable en PDF, et pas en RSS, CSV ou ICS, qui sont eux des formats structurés.

A défaut de structure, on remarque un ordre des informations : date, titre, lieu. Hélas, les données ne sont pas normées (le lieu est parfois un nom de ville, parfois un nom de bâtiment), les séparateurs sont différents d’un agenda à l’autre, pas de méta-données (pas de timestamps pour les dates et horaires par exemple).

Diffusion en JPG sur les réseaux sociaux

Il s’agit d’un PDF converti en image.

Ces images partagées présentent parfois des détails complémentaires à l’agenda en ligne, tel ici :

Un export CSV/XLS à la Culture

Une exception signalée par Alexandre Léchenet : le ministère de la culture, qui propose un export CSV/XLS.

Les données sont structurées en trois colonnes :

Les dates ne sont pas au format ISO, les fins sont identiques au début, nous avons le titre, mais pas le lieu, etc. Bref, c’est un bon début.

Changements annoncés par email à un cercle fermé

Certes, il s’agit là de l’agenda du Président de la République, et non d’un ministre, mais le fonctionnement est le même : l’agenda de la semaine est en ligne sur le site du ministre (ou du président) et les changements sont annoncés via l’AFP ou bien via une liste de diffusion fermée au grand public. Les agendas en ligne ne sont pas nécessairement mis à jour et diffuse donc une information erronée. Difficile, même pour les destinataires des additifs, d’avoir à disposition un agenda complet — et à jour — à disposition.

Un agenda exportable en CSV/XLS

Une information maigre, qui laisse sur sa faim

Les agendas ne donnent que peu d’infos sur un événement : pas d’éléments de contexte en amont, pas de compte-rendu en aval.

Les agendas n’annoncent souvent que le court terme

Des archives non-disponibles

Certes, certains ministères (Intérieur et Justice notamment) continuent d’afficher les agendas des semaines précédentes…du ministre en cours.

Sur le site du Ministère de la Justice, sous le titre “articles connexes” : les agendas des semaines précédentes.

Ces agendas passés n’ont pas été nécessairement corrigés et ne contiennent pas de compte-rendu des rendez-vous : l’information est maigre et pas forcément à jour.

Sauf erreur, les agendas des anciens ministres ont totalement disparu des pages publiques. Impossible par exemple de comparer les agendas des derniers ministres de l’Intérieur.

Note d’ouverture des agendas de ministres : 1/5 (en arrondissant)

Pour évoluer la qualité des agendas publics de ministre, reprenons l’échelle de Tim Berners-Lee :

  1. Données en ligne : Oui pour la semaine en cours, rarement pour les données passées.

2. Données disponibles de manière structurée (ex : données tabulaires en CSV, XML, Excel, RDF) : Non, les agendas trouvés sont en texte,en PDF ou en JPG. Seule exception au Ministère de la Culture avec l’export CSV/XLS.

3. Données librement exploitables
- juridiquement : non, pas de licence
- techniquement (dans des formats non-propriétaires, pas sous Excel notamment) : Non, pas de format structuré

4. Données identifiées par des URL (avec date de mise à jour) afin que l’on puisse « pointer » un lien vers elles (et la retrouver éventuellement mise à jour) : Non, difficile de connaître la dernière version à jour.

5. Données liées à d’autres données, pour les contextualiser et enrichir : Nous en sommes vraiment, vraiment loin.

L’enjeu : une information accessible, même pour le gouvernement

Mais finalement, à quoi serviraient des agendas de ministres ouverts ?

  • Créer un agenda du gouvernement automatique.
  • Géolocaliser toutes les interventions de ministres et savoir répondre rapidement à des questions telles que : quel est le dernier ministre à être passé à Mayotte ?
  • S’abonner facilement à l’agenda d’un ministre, (via un flux ICS compatible avec les agendas Google, Apple, Microsoft, Lotus Notes, Firefox, etc.) mises à jour comprises.
  • S’assurer que tous les services-liés utilisent bien de la même source d’information
  • Conserver une mémoire de l’action gouvernementale (les agendas passés, même pour des ministres actuels, étant trop souvent dépubliés).
  • Pour les services presse, réduire le nombre de manipulations à chaque étape de l’agenda (agenda prévisionnel/validé/additifs)
Extrait de la bande-dessinée “Quai d’Orsay”, par Christophe Blain et Abel Lanzac

Ces remarques sur les agendas de ministre vous parlent ? Alors gardez en tête que la problématique est la même pour les agendas des élus, préfets et ambassadeurs…

Merci à Gilles Duffau et Guillaume DOccam pour leurs nombreuses idées d’illustration !

Mise à jour :

Nathann Cohen, chercheur au CNRS, réalise une archive pour le président et le premier ministre

Alexandre Léchenet archive de son côté les déplacements effectués par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, et Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’intérieur, depuis leur nomination

https://github.com/alphoenix/donnees/tree/master/D%C3%A9placements%20minist%C3%A9riels